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Regards sur mes racines.

8 juillet 2014

Espoir

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Je viens d’entendre aux informations TV qu’une jeune française d’origine marocaine, Myriam Bourhail, fille d’ouvrier, et vivant à Villers-Cotterêts, vient d’obtenir le meilleur résultat au baccalauréat 2014 avec plus de 21 de moyenne. Cette information m’interpelle et m’émeut à la fois. Emotion de voir qu’on peut encore en France surprendre en venant des couches dites défavorisées et faire tomber les obstacles de la sélection par l’origine. Emotion de voir l’engagement du corps professoral, tant vilipendé de nos jours,  pour accompagner cette jeune personne et contribuer à son succès. Emotion de voir que ce sujet en est encore un dans notre pays des droits de l’homme où la réussite d’une fille d’immigré fait la une des journaux. Emotion devant le pied de nez de la vie qui voit naitre cette surdouée dans une ville dont la mairie vient de basculer vers le Front National. Emotion enfin, d’écouter cette bachelière s’exprimer avec autant de maturité et défendre sa république en dévoilant son souhait de s’engager en politique pour changer le monde.  

Le cas de cette jeune fille d’immigré m’interpelle toutefois. Combien d’obstacles viendront encore lui barrer la route du succès dans un monde où le mode de reproduction social reste un des éléments les plus discriminants pour l’accès des personnes de la diversité à la catégorie des élites. Il n’en demeure pas moins vrai que les élèves des milieux modestes réussissent moins bien que les autres. Selon l’INSEE, en France, le statut économique, social et culturel des parents explique, aujourd'hui, une plus grande part de la variation des scores des élèves qu'en moyenne dans l'ensemble des pays de l'OCDE. En bref, l'école française est davantage reproductrice d'inégalités sociales que celle des autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Pour autant, les enfants d'immigrés réussissent non pas moins bien, mais parfois mieux que les autres. A niveau social équivalent, les enfants d'immigrés sont même plutôt meilleurs. Ils sont plus ambitieux et les parents d’immigrés sont plus nombreux à souhaiter que leur enfant poursuive leurs études après le baccalauréat. En effet, ils se positionnent de manière plus positive par rapport au système éducatif français, alors que pour beaucoup de parents non-bacheliers, les difficultés scolaires de leur enfant seraient plus souvent vécues comme la poursuite de leur propre échec.

Le cas Myriam paraît donc battre en brèche ce que nous entendons toute l’année sur l’école: ces statistiques déprimantes de la reproduction sociale qui montrent que l’école française est championne du monde, de l’univers, de la reproduction des inégalités à l’école.

Ces chiffres et ces données confortent pourtant ce que la sociologie a étudié de près et depuis longtemps et formulé comme tel: notre école est une école d’héritiers pour reprendre le terme popularisé par Pierre Bourdieu. C’est surtout à la fois une réalité bien documentée par les statistiques et une représentation bien ancrée dans les esprits. Pour réussir à l’école, mieux vaut en maîtriser les codes, les «habitus» et avoir accès à l’information pour faire les bons choix d’orientation. C’est ce qui explique en partie la réussite des enfants d’enseignants. Ce que montrent également les statistiques sur l'origine sociale des élèves c’est que, pour décrocher le bac, le mieux c’est d’avoir un parent bachelier!

On pourrait reproduire ce principe à l’infini. Pour être médecin, ne vaut-il pas mieux être fils ou fille de médecin ? Idem pour le monde des arts et des médias où pullulent les « fils et filles de ». Faut-il s’en offusquer ? Je ne crois pas. Il est dans la nature humaine de vouloir le meilleur pour sa progéniture et de tout faire pour lui donner sa chance de réussir. Lui enseigner les codes et habitus de sa propre profession apparait donc comme un élément de l’éducation transmise à sa descendance. Une forme de compagnonnage familial, de transfert d’un héritage comme le ferait l’agriculteur ou le charpentier vis-à-vis de ses enfants, préparant ainsi ceux qui désireraient prendre la succession dans les meilleures conditions pour le faire.

Il demeure cependant la question de l’accès à la profession ou plutôt à la catégorie professionnelle, la CSP (catégorie socio-professionnelle) comme on dit en sociologie, pour ceux qui ne sont pas du sérail. Et c’est là que le bât blesse.

Positivons ! Le moteur de l'ascenseur social n'est pas grippé. Il suffit de voir l'origine de certains de nos ministres dont le premier !

Souhaitons bonne chance à Myriam.

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3 juin 2014

Front solidaire

 

Rail

Le FN en tête chez les salariés syndiqués à Force ouvrière et Sud peut-on lire dans le dernier sondage publié par l’Humanité le 28 mai. L'enquête révèle que 33% des sympathisants de Force ouvrière ont opté pour le vote frontiste lors des dernières élections européennes. Chez Sud-Solidaires, même choix pour 27% des personnes interrogées. Dans ces deux organisations, c'est le parti de Marine Le Pen qui a été le plus plébiscité. Il y récolte des scores supérieurs à la moyenne nationale (25%).

Plus de 40% des ouvriers ont voté Front National. Voilà une tendance que l’on pressentait et qui se confirme à l’analyse des résultats des élections européennes. Ainsi, le syndicalisme que l’on pense par essence à gauche puisqu’il a vocation à défendre l’intérêt des salariés contre les exigences du patronat, n’échappe pas à la rupture constatée dernièrement avec les partis de gouvernement. Le syndiqué, défenseur de ses droits en tant que salarié, s’exprime bien entendu aussi comme citoyen. L’expression de ses opinions politiques n’est pas aliéné par son penchant syndical, d’autant qu’en France aucun mouvement de défense des salariés ne représente, actuellement, l’extrême droite.

Sans espace d’expression, contrairement à l’extrême gauche abonnée historiquement à la CGT, les salariés-citoyens de la droite populaire se retrouvent dans la très anticommuniste Force Ouvrière, héritière de la guerre froide, ou dans la jeune Sud-Solidaire née de la fuite des déçus des autres organisations syndicales dont la CFDT, après les grèves de 1995.

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Plus personnellement, mon expérience de 18 mois au contact permanent des syndicats de la SNCF m’a ouvert les yeux sur la vraie nature de certaines organisations syndicales, dont SUD-Rail, composante majeure de SUD-Solidaire.

Après une période d’observation et quelques épreuves de force, j’y ai très rapidement établi des relations, que j’estime sereines et courtoises, avec le plus actif des syndicats de ma région : La CGT. Défenseur d’une nouvelle approche du dialogue social avec cette organisation syndicale, souvent en conflit avec la direction, certains de mes collègues étaient venus à penser que j’avais « basculé » ! Et oui ! Dans l’esprit peu enclin à l’ouverture du cheminot de province, un noir ne peut pas être du côté de la direction. Il est forcément du côté des syndicats. Oui, c’est vrai j’avais travaillé mes relations prioritairement avec la CGT pour deux raisons. Elle conditionnait la plus grosse partie de mon travail (90 % des préavis de grève) et surtout, j’étais l’objet de l’ostracisme des deux autres syndicats : la solidaire et démocratique SUD-Rail, et l’UNSA, syndicat défenseur des intérêts des cadres qui, j’imagine par un oubli involontaire, ne m’avait pas même fait la traditionnelle danse du paon pour me proposer de m’encarter chez eux !

Concernant SUD-Rail j’ai beaucoup appris sur l’hypocrisie entretenue par les syndicats en général, notamment en matière de discrimination. La solidarité plus souvent proclamée comme un slogan que mise en pratique, la démocratie paralysante qui fait de cette OS un OVNI incontrôlable, même pour ses propres dirigeants sachant que chez SUD, personne n’est chef ! Donc tout le monde commande !  Voilà deux des caractéristiques essentiels de cette organisation. La solidarité s’exprime surtout vis-à-vis des cheminots de souche. Les autres n’existent pas, ou quasiment pas. SUD-Rail recrute non pas des militants de leur cause mais des déçus des autres causes. Il y flotte un vent de révolution d’opérette sans cohérence aucune. SUD c’est le fourre-tout des incasables et se revendique comme tel. On y trouve des socialistes, communistes, anarchistes, des rêveurs, quelques penseurs, rares, pour le peu que j’en ai rencontrés en Auvergne, des moutons sans opinion, quelques cheminotes mode Femen, choisies pour leur esthétique plus que pour leurs idées (et oui ! SUD a compris que le combat syndical ne pouvait se passer de médiatisation et que le look ça compte parfois plus que les idées pour attirer les foules)….et de plus en plus de sympathisants d’extrême droite. Forcément, que ce soit d’un côté comme de l’autre, FN et SUD surfent que les mêmes poncifs : défense des cheminots au statut qui s’apparente à la défense des français de souche au détriment des autres, opposition à l’ouverture inéluctable à la concurrence (repli sur soi), …

Ainsi, le sondage de l’Huma me confirme dans mon opinion que SUD héberge des adhérents et sympathisants du Front National puisqu’il faut bien que cette frange de l’électorat s’exprime syndicalement. Il n’existe pas de syndicat d’extrême droite en France même si le parti de Marine Le Pen a parfois essayé de s’infiltrer dans certaines organisations traditionnelles sans y parvenir. On ne trouve d’ailleurs aucune publication sur le syndicalisme d’extrême droite comme si ce sujet était tabou alors qu’un français sur 4 ou 5 vote pour ce parti et qu’il est établi que le FN a commis un hold up sur la classe ouvrière au grand dam des partis de gauche. Je fonde cette réflexion sur quelques preuves et sur les attitudes discriminatoires que ce syndicat a pu avoir à mon égard, mais aussi sur le constat que la structure et le positionnement idéologique des 3 autres grands syndicats de la SNCF (CGT, CFDT, UNSA ; FO n’étant que peu représenté dans cette entreprise publique) laissent peu de place à un possible hébergement de militants d’extrême droite. La revendication démocratique de SUD-Rail laisse entendre que toutes les idéologies sont les bienvenues et ouvre ainsi la possibilité à des militants ou des sympathisants d’extrême droite d’y trouver une oreille compatissante. A la CGT, par exemple, un sympathisant ou adhèrent du FN déclaré est viré du syndicat.

Ainsi, à l’image de la société qu’elle transporte, la SNCF contient dans ses rangs son lot de cheminots xénophobes et incultes. Et à l’image de la géographie des repliés sur soi en France, on en trouve plus dans les zones communément appelées rurales, comme l’Auvergne, que dans les grandes agglomérations (Paris ou Lyon, par exemple).

Depuis ce sondage, SUD est dans le déni et vient de réunir un congrès afin d’établir une stratégie pour combattre le FN…. Dans ses rangs ? Les mois sont comptés avant que l’extrême droite n’envahisse le champ syndical et ne vienne à créer sa propre structure. On peut se demander quelle organisation sera la mieux préparée pour lui servir de piédestal. SUD ou FO ?

 

 

 

23 mai 2014

Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu... ?

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Les préjugés sur les mariages mixtes ne font pas fortune qu'au cinéma, comme l'atteste le succès du film « Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? ». Combien de familles manquent de s’étouffer chaque année en voyant leur précieuse progéniture fréquenter un spécimen trop différent d’eux ? Comme s’ils avaient raté l’éducation de leur enfant. 

« Mais c’est QUI, ce noir ? ». Lorsque Claire et Marie Verneuil (Christian Clavier et Chantal Lauby), un couple de provinciaux un peu « vieille France », croisent leur fille et son copain black, ses tresses sur la tête et son piercing à l’oreille, ils manquent de faire une syncope. Pour ce couple, comme pour beaucoup d’autres dans la vraie vie, ce copain étrange vient contrarier le modèle de la réussite professionnelle et conjugale qu’ils avaient en tête. Ils avaient en effet imaginé leur fille dans une vie qui leur ressemble et surtout qui les rassure.

La plupart des mariages confirment d’ailleurs la règle. Qui se ressemble, s’épouse. Mais Erasmus tout comme les enfants d’immigrés changent doucement la donne. Les études européennes ont apporté leur lot de couples bi-nationaux avec son festival de préjugés. Parmi les moins de 25 ans, le métissage est devenu une réalité massive. Un jeune sur cinq a un ancêtre d’origine étrangère et cette révolution ethnique souffle maintenant sur l’amour et l’alcôve du mariage. On compte officiellement 12% de mariages mixtes, c'est-à-dire avec une personne d’une autre nationalité, selon les chiffres de l’Ined de 2012. Et combien d’unions entre Français de toutes les couleurs, de toutes les religions, qui ne sont pas comptabilisées par la statistique publique mais viennent transformer le visage matrimonial de la France. Parfois au grand déplaisir des parents.

Comme le montre si bien le choix fait dans « Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu… ? », c’est l’image de la femme dans le couple mixte qui est le réel enjeu. Qui sont ces femmes qui s’exemptent du jugement des autres,  qui assument leur choix sous le regard désapprobateur de leur environnement, qui prennent le risque du « qu’en dira-t-on » et de la transgression des normes ? Bon connaisseur de cette question, je peux dire que ce sont des femmes qui dès leur enfance ont eu une vie, elle-même, hors normes sans pour autant en faire des superwomen. Elles ont eu des parcours différents, sans être exceptionnels, du commun des femmes. Elles le savent et le revendiquent. Elles se sont épanouies dans leur vie de femmes libres, se fichant du regard des autres en osant, en affichant leur différence de caractère et/ou de mode de vie.

Dans mon cas, qu'il s'agisse des parents de ma compagne ou de mes ex-beaux-parents, ils sont ou ont toujours été de fidèles alliés, mais le verrou le plus difficile à faire sauter pour elles est ce que j’appelle l’égo social, le moi social, celui qu’on attend de nous. Cet égo qui se construit à travers le regard de la société bien-pensante issue de notre héritage judéo-chrétien. Celle qui veut qu’une femme se marie avec un homme de son milieu, qu’elle limite ses pulsions d’originalité à ses excès vestimentaires, qu’elle ne fasse pas trop d’études …pour ne pas lui donner de mauvaises idées. Et bien non ! Ces femmes, elles ont du tempérament, elles sont intelligentes et cultivées (comme quoi, culture et ouverture d’esprit sont souvent liées), elles bousculent l’ordre établi et s’affichent au bras de l’homme qu’elles aiment avec fierté et même avec un brin de provocation. Dans un monde où l’image prend le pas sur le reste, celle du couple mixte surpasse toutes les audaces de la communication. C’est de la pub vivante loin des irréelles campagnes pour la diversité où le basané côtoie l’européen(ne) le temps d’un clip, d’une série télé ou d’une campagne électorale, nonchalamment cadrés par la caméra-témoin.

Certains diront que c’est l’effet de la mode et que ces femmes en reviendront. J’aime à penser que non. C’est le résultat d’un parcours, d’une ouverture au monde et d’esprit construite jour après jour, ponctué de voyages et de rencontres heureuses ou douloureuses, de croisements de vie avec des marqueurs. Ces parcours ont pour point commun d’ignorer ou d’avoir appris à ignorer ce qu’est la peur. Je parle de la peur intérieure qui empêche de voir, d’ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure, celle qui nous empêche de nous relever et de marcher debout, la tête haute. La peur de l’autre, en résumé. A ce sujet je vous invite à lire le très beau roman d’Antoine Paje, Et il me parla de cerisiers, de poussières et d’une montagne.

 

Ces femmes s’aiment différentes par leurs actes. Elles endossent la diversité de leur compagnon et se nourrissent de cette différence. Mères actives, elles appartiennent à ces révolutionnaires des temps modernes, ces amazones anti-conventionnelles  qui font avancer une société encore trop repliée sur elle-même.

12 mai 2014

Vigilance

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Municipales 2014 : On a beaucoup parlé de l’abstentionnisme de ces élections et notamment de celui de l’électorat de gauche. L’autre enseignement est que les français issus de l'immigration sont désormais, par leur vote ou par leur abstention, en capacité de faire ou de défaire, à eux seuls, une majorité politique. Le mariage pour tous, la théorie du genre, l'affaire Dieudonné, la politique extérieure (Syrie, Centrafrique, Mali, le manque de soutien aux Palestiniens, etc.), et aussi un certain je-m'en-foutisme électoral expliquent bien les choses. Le repli identitaire en est une autre raison. Il vaut autant du côté des Français qui se disent « de souche » que des communautés immigrées extra européennes ou non (drapeau national brandi dans les stades ou à l’occasion de manifestations familiales, élections de miss « façon pays »,…). La peur, l’ignorance de l’autre s’enracinent ; teintées parfois d’une forme de reproche, voire de jalousie à l’idée que l’étranger puisse réussir, profiter et « manger le pain des Français ».

 

Fernand Renaud

Fernand Raynaud  mettant en scène le personnage du boulanger dans « l’étranger » aura participé à dénoncer sur le ton de l’humour cette inguérissable maladie. C’est dire que ce phénomène n’est en rien nouveau. Il était endormi, en veille, parfois entretenu dans certains cercles extrémistes dont l’action ne représentait pas une réelle menace pour la démocratie et notre héritage des Lumières.

L’explosion des réseaux sociaux mais aussi des blogs font s’exprimer désormais les haines retenues jusqu’à présent et cachées dans les parties sombres des âmes de certains internautes. Les abonnés, courageusement planqués derrière leurs pseudos irréels, usent de cette expression libre sur les sites internet de grands journaux où le modérateur n’a plus sa place (trop couteux, je suppose) et s’épanchent sans aucun état d’âme en crachant leur venin de xénophobie, d’antisémitisme et d’antiféminisme confondus sans que l’état de droit puisse intervenir, jusqu’au moment où, enfin, un sénateur projette de présenter une loi pour faciliter la sanction des insultes racistes sur la toile.

Cette expression libre qu’on peut féliciter quand elle est réfléchie et assumée, se transforme de plus en plus en réactions à chaud sur une actualité qui parfois n’en est pas une. La une d’un magazine people prend le pas sur tel conflit régional qui peut transformer le cours du monde (Ukraine) et le sort de 200 lycéennes africaines doit attendre le sursaut des réseaux sociaux pour que les politiques et les médias s’en emparent. La perception du monde qui nous entoure en est brouillée et déformée.

Là encore soyons vigilants.

30 avril 2014

Magic Sterling

600px-fers_esclaveOn peut avoir une petite-amie métisse, d’origine afro-américaine et hispanique, posséder une équipe de basket composée en grande majorité de joueurs noirs, et tenir des propos racistes. C’est le magnifique exploit que vient de réaliser le patron d’une équipe de basket américain,  Donald Sterling (L.A. Clippers) en reprochant à sa compagne de s’afficher avec des noirs et non des moindres…Magic Johnson, sur les réseaux sociaux.

Quand on sait que c’est grâce à la NBA, composée à plus de 90% de noirs, que cet homme a fait fortune, on peut se dire que le panier de basket a juste pris la suite du panier de coton….

Barack Obama s’est ému publiquement de cette affaire. Depuis, Donald Sterling a été viré de la NBA.

Histoire ordinaire du racisme ordinaire à quelques jours de la commémoration de l'abolition de l'esclavage en France (10 mai).

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26 avril 2014

Délit de favoritisme...

 

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Incroyable ! Le 8 mars dernier, lors de la visite du président israélien Shimon Peres à Paris, plusieurs salariés du rail auraient été écartés du dispositif d’accueil à la Gare du Nord, en raison de leurs origines.

Noirs et Arabes, ils auraient été présumés musulmans d’office, et donc indésirables aux yeux de la délégation israélienne.Devant l’indignation et la curiosité suscitées par cette décision, la SNCF a vigoureusement démenti les accusations portées à son encontre. Au final, on ne sait pas si cette « idiotie » vient de l’entourage de Shimon Peres ou d’un haut cadre de la SNCF. On peut penser que cette dernière s'est encore une fois montrée bon élève vis-à-vis de l'Etat juif pour faire oublier le rôle qu'elle a joué dans la Shoah et pour lequel Guillaume Pepy s'était excusé en 2011, sous pression de députés américains et pour cause de contrats aux Etats-Unis...Il est beau le devoir de mémoire !

Ce qui s'est passé en gare du Nord est malheureusement caractéristique d’un principe de précaution poussé à l’extrême qui n’est pas, je pense, dans les gènes de cette entreprise. C'est le fruit de l’initiative de quelques cadres inconséquents et limités intellectuellement. On peut juste regretter que la direction reste passive et ne prenne pas de sanctions lourdes contre ces énergumènes. Mais à la SNCF, on ne sanctionne pas, et on ne licencie encore moins les cheminots au statut même s’ils sont fautifs d’actes inqualifiables, comme dernièrement à Montpellier !

Cette actualité me rappelle avoir été "cheminot" pendant presque 2 ans dans cette entreprise. Je me souviens aussi des propos à connotation raciste dont j’ai pu faire l’objet dans mes fonctions de cadre, en charge de dialoguer avec les organisations syndicales et « d’encadrer », autant que faire se peut, les mouvements sociaux. Vous le savez, ceux-ci sont plutôt fréquents dans cette entreprise ! Coups portés à la tête lors de l’envahissement d’un bâtiment que j'essayais d'empêcher avec mes petits muscles face à 80 grévistes nourris au boeuf de Salers et au Saint Nectaire, propos me comparant, lors d'une autre manif, à un vigile « black » payé par la direction pour les empécher de pénétrer dans la direction régionale , mise à l’écart par certains syndicalistes soit disant « solidaires » privilégiant les échanges avec mes collaborateurs plutôt qu’avec moi, sans parler du raturage de candidats au nom à consonance étrangère sur les listes électorales lors des élections professionnelles.greve-sncf

 

Voilà comment s’exprime parfois « l’esprit de défense » des salariés, par des syndicats qui dénoncent à coup de tracts les dérives discriminatoires de la direction jusqu'à en oublier de balayer devant leur porte.

Je ne suis pas étonné de ce racisme ordinaire qui pollue la SNCF, à l’image de notre bon pays des droits de l’homme. Je suis plutôt en colère face à l’inaction de la hiérarchie locale, silencieuse devant ces faits, et nationale qui préfère se planquer hypocritement derrière «  l’exploit » d’être l'une des premières entreprises à avoir signé la charte de la diversité !

Comme beaucoup de français issus des minorités visibles, je ne suis pas exempt de nombreuses vexations liées à ma couleur de peau. Contrôles d’identité ciblés dans ma jeunesse, refus d’accès à certains établissements et plus étonnamment, blocage temporaire de l’accès à mon bureau quand je travaillais au ministère de la défense, au boulevard Saint Germain à Paris.  Circonstances atténuantes pour les gendarmes qui gardaient l’accès du ministère : nous étions le 12 septembre 2001 !  Le teint mat de ma peau potentiellement Al Quaidien provoqua une mini-panique du prévôt en faction ce jour-là.

 Mieux ! J’ai même découvert récemment à Clermont-Ferrand et à mes dépends un terme que je ne connaissais pas : la présomption d’infraction. Vous ne trouverez pas ce terme sur Google mais la maréchaussée l’a inventée pour les personnes de mon genre !

Voilà comment ça se passe : sur un panel d’une dizaine de conducteurs à l’arrêt à un feu, le représentant de la force publique choisit « au hasard » celui qu’il a le plus de chance de coincer pour remplir les caisses du Trésor Public. Et devinez qui ? Moi. Et oui ! Fidèle à la philosophie propagée par notre cher Zemmour, il s’est empressé de me demander de me mettre sur le côté pour contrôler mon véhicule….

A la question de savoir pourquoi il m’avait choisi parmi un parterre de prétendants qui pour certains étaient à portée de PV et lui évitaient de traverser la route, je me suis vu rétorquer que je faisais l’objet d’une présomption d’infraction. Il ne voulut pas aller plus loin dans ses explications gênées devant mes questions insistantes….

Même si les quelques faits que je viens de décrire peuvent paraître anecdotiques, voilà, une facette (heureusement ! ) du monde dans lequel je vis,dans lequel nous vivons. Les français pensent généralement la diversité comme l’égalité homme/femme. Même s’il reste encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine, combien d'autres combats à mener quand la discrimination repose sur la notion de race ?

 A la SNCF, comme partout ailleurs en France, le racisme ordinaire sévit. Ce qui est plus inquiétant, c’est son amplification. J’en suis le témoin direct depuis quelques années. Depuis que nous sommes entrés dans la crise, la vraie. Celle des valeurs.

 

 

22 avril 2014

Inquiétude

Intolerance-groupe

Vous devez peut être vous demander comment et pourquoi un citoyen, français par le droit du sol et le sang versé par ses aïeuls, baigné par les valeurs de la république, reconnu comme tel par la majorité des membres de son entourage, assoiffé de justice sociale et fier de son engagement sans faille pour son pays peut-il de nos jours douter de son appartenance à la communauté nationale ?

Je me croyais en effet fondu dans la masse de mes compatriotes, invisible en quelque sorte.

Je me découvre désormais visible au milieu d’un groupe qui me renvoie à mes différences.

J’ai conscience que mon parcours atypique n’est pas étranger à ce réveil. Officier dans l’armée de terre pendant vingt-sept ans, mon uniforme m’a quelque peu protégé du monde extérieur. Ayant fait tomber le masque, j’ai découvert il y a quelques mois ma « visibilité » à l’occasion d’un bref passage dans une autre grande et honorable institution publique, la SNCF, temple du repli sur soi, d’autant que le processus d’intégration dans cette belle entreprise s’est déroulé dans une des villes les plus attractives, cosmopolites et ouvertes au monde après New-York et Ibiza, ….Clermont-Ferrand !  J’y reviendrai longuement dans ce blog car la SNCF vue d’Auvergne est un peu la caricature de ce qu’est devenue aujourd’hui la France du repli et de l’intolérance.

Avoir un doute sur l’appartenance au groupe ne signifie aucunement, en ce qui me concerne, mettre un terme à cette association. Bien au contraire, je revendique et clame haut et fort mon appartenance à la France. Je le revendique d’autant plus que cette appartenance ne se décrète pas sur la foi d’une pièce d’identité. Elle est le fruit d’un combat de tous les jours. Combien de fois ai-je du apporter la preuve de ma « nationalité » (non pas administrative bien entendu !)  lors de discussions avec des collègues, amis ou lors de rencontres officielles. Mon engagement pour mon pays se lisait sur mon uniforme d’officier quand je le portais. Il inspirait le respect pour ce que je représentais mais pas pour ce que j’étais. Quand j’étais « à poil » et si mes interlocuteurs ne me connaissaient pas, il me fallait brandir le drapeau français du fond de ma tranchée pour qu’on consente à me considérer comme fréquentable. Voilà comment je ressentais les choses en définitive.

Prouver de façon permanente son appartenance à la communauté nationale n’est pas une épreuve que je traverse seul….il est le lot de tous les français et françaises issus de l’immigration. Imaginez ce que peut être cette lutte perpétuelle de la justification quand vous vous sentez profondément français, de surcroit pas du tout immigré (je ne cherche pas à me désolidariser d’eux), que vous n’avez « rien à vous reprocher», que vous ne vous différenciez que par le fait d’être noir. Cet exercice est aussi une épreuve et une douleur permanente. Une douleur, effectivement, à laquelle je me suis habitué et que j’ai transformée en adrénaline positive. J’en ai fait un jeu de rôles. Je joue sur l’image que je peux renvoyer naturellement à mes interlocuteurs pour ensuite les confondre et les mettre mal à l’aise. Ça marche à tous les coups ou presque.

Sur ce que je fais dans la vie, la plupart imagine que j’occupe des fonctions d’exécution. Je les renvoie à mes diplômes et à mon grade dans l’armée. En général, je n’ai aucun commentaire hormis quelques plaisanteries qui se veulent de haut vol où l’on me donne du « colonel », façon de marquer une forme de rancœur contenue ou de jalousie mal placée.

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Pourquoi ai-je envie de parler maintenant ? Pourquoi ce doute s’immisce-t-il avec tant de force actuellement ? Pourquoi ai-je tant envie de l’exprimer et de le partager alors que tant de signaux accumulés au fil des années ont envahi ma conscience sans que j’éprouve le besoin de les dévoiler ? Exprimer mes doutes c’est participer au débat sur cette intégration inégale (Serge Paugam) que j’appellerai en ce qui me concerne désintégration, littéralement « passer d’un état ou sentiment de dissolution totale dans la société qui vous accueille à celui d’identité individuelle visible ». Exprimer ses doutes c’est essayer de comprendre (voir mon message du 8 avril).

Cette démarche s’impose d’abord à moi comme à d’autres sous la pression inconsciente de notre environnement mais aussi comme un réflexe individuel défensif vis-à-vis d’un collectif en cours de mutation. Ainsi, malgré la certitude de mon appartenance innée à la France, héritée de mon histoire et de la capacité de mon pays à faire sien ce que je suis, nous vivons actuellement des moments porteurs de changements inquiétants.

Le cap de la cinquantaine que je viens de franchir est aussi un moment propice dans la vie d’un homme pour se retrouver avec lui-même et analyser les quelques étapes qu’il vient de vivre. Il y a surement de cela dans cette envie de m’exprimer aujourd’hui, mais pas seulement.

La période que nous traversons fait aussi partie des éléments déclencheurs de cette soif d’expression. Notamment, un événement récent m’a particulièrement marqué. C’est celui où une jeune enfant, bercée par les discours xénophobes d’adultes, s’en prend à un ministre de la république pour sa couleur de peau. Qu’une enfant en bas âge, sans conscience politique, a priori de « bonne famille », si ce terme signifie encore quelque chose aujourd’hui, soit imprégnée d’autant de haine et d’irrespect envers un autre être humain quelle que soit sa fonction, montre l’état de notre société et le chemin qu’une partie des français est en train de prendre.

Cette évolution n’a pas le caractère de fatalité, elle n’est pas inéluctable pour peu qu’on en prenne conscience et qu’on la combatte en commençant par les mots. Ne pas subir ! Tel serait le mot d’ordre de la croisade contre l’intolérance.

« Ton christ est juif, ta pizza est italienne, ton café est brésilien, ta voiture est japonaise, ton écriture est latine, tes vacances sont turques, tes chiffres sont arabes et... tu reproches à ton voisin d'être étranger ! » (Julos Beaucarne)

17 avril 2014

Le colon colonisé

Christiane Taubira

 

Derrière l’extraordinaire vague de contestation des lois ou projets de loi de la garde des sceaux, Christiane Taubira, sentez-vous une simple opposition au mariage pour tous et de ses conséquences sur la fonction de ministre de la Justice ? Non, c’est bien plus que cela. Il y a aussi dans ce combat d’un autre temps une haine de se voir imposer l’inacceptable révolution des mœurs par une femme noire. Les rôles sont inversés. Le colon n’est plus celui qu’on croit. Ce combat pour une vision moderne des valeurs familiales, qui n’enlève rien à ceux qui s’y opposent, est mené courageusement par une femme de caractère qui sait malheureusement ce que discrimination et rejet de la différence veulent dire.

L’histoire coloniale est encore présente dans ces élans nauséabonds qui visent la garde des sceaux. Dans l’inconscient collectif de quelques petits blancs issus de la bourgeoisie désargentée et des milieux populaires et ruraux, l’image du noir est encore associée à celle défendue par Jules Ferry (28 juillet 1885, devant la Chambre des députés).

Georges Clémenceau lui répondra quelques jours plus tard par le célèbre discours du 30 juillet 1885.Georges_Clemenceau_Imag1396

« Les races supérieures ont sur les races inférieures un droit qu'elles exercent, ce droit, par une transformation particulière, est en même temps un devoir de civilisation. Voilà en propres termes la thèse de M. Ferry, et l'on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ? Races inférieures, c'est bientôt dit ! Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation, et de prononcer : homme ou civilisation inférieurs. Race inférieure, les Hindous ! Avec cette grande civilisation raffinée qui se perd dans la nuit des temps ! Avec cette grande religion bouddhiste qui a quitté l'Inde pour la Chine, avec cette grande efflorescence d'art dont nous voyons encore aujourd'hui les magnifiques vestiges ! Race inférieure, les Chinois ! Avec cette civilisation dont les origines sont inconnues et qui paraît avoir été poussée tout d'abord jusqu'à ses extrêmes limites. Inférieur Confucius ! En vérité, aujourd'hui même, permettez-moi de dire que, quand les diplomates chinois sont aux prises avec certains diplomates européens... (rires et applaudissements sur divers bancs), ils font bonne figure et que, si l'un veut consulter les annales diplomatiques de certains peuples, on y peut voir des documents qui prouvent assurément que la race jaune, au point de vue de l'entente des affaires, de la bonne conduite d'opération infiniment délicates, n'est en rien inférieure à ceux qui se hâtent trop de proclamer leur suprématie".

Héritière de la combativité et du courage de Georges Clemenceau, Christiane Taubira est actuellement le personnage politique à la fois le plus aimé et le plus haï de France. Dans tous les cas, cette Tigresse ne laisse pas indifférent. Et c’est tant mieux.

Dans le contexte actuel de montée de l’intolérance, je vous invite à lire son dernier ouvrage Paroles de liberté (Flammarion). Elle a l’intelligence d’ignorer les actes racistes dont elle est victime en répondant à leurs acteurs par son immense culture de la France. Son phrasé volontairement ampoulé, ses mentions innombrables aux auteurs français, connus ou inconnus, ses références musicales aux grandes chanteuses black répondent fabuleusement à l’image du primate qu’on lui a affublée et renvoient formidablement ceux qui l’insultent à leur inculture. Sa sagesse et son empathie la font ressembler à un Mandela au féminin.

Qui mieux que cette femme engagée pouvait mener cette bataille des valeurs, cette « réforme de civilisation » comme elle l’appelle elle-même ? Ce qu’elle a osé et fait nous renvoie à la générosité, à l’ouverture d’esprit de nos concitoyens, aux valeurs d’équité, de fraternité de notre pays. Pour tout cela, je la remercie d’entretenir en moi la fierté d’être français.

16 avril 2014

Rwanda

                                                                                                                  

A l'occasion du vingtième anniversaigénocide rwandare du génocide rwandais, nous honorons ces jours-ci la mémoire des 800.000 Tutsis assassinés devant les yeux des nations dites civilisées. Oui, presque un millions d’hommes, de femmes et d’enfants exterminés en l’espace de cent jours.

8000 par jour, plus que la moyenne des morts des quatre années de la Grande Guerre avec des moyens beaucoup moins sophistiqués. A l’heure où nous allons célébrer le centenaire de la première guerre mondiale, autre folie des hommes, cet anniversaire vient à propos. 

Analyses et débats, opposant les décideurs de l’époque (Nations Unies, politiques et militaires français) aux critiques de notre inaction passée, réelle ou supposée, démontre que la cicatrice sur le rôle de la France dans cet épisode tragique de l’Histoire est plus que jamais ouverte.

Un de mes camarades de Saint-Cyr, présent au Rwanda en 1994, lors des premiers massacres vient de jeter une pierre dans la marre en publiant un livre, Vents sombres sur le lac Kivu, où il explique à travers son expérience de terrain que la France, même si elle n’a en aucune manière participé au génocide, a fait des erreurs d’appréciation de la situation politique de l'époque contribuant d’une certaine façon à banaliser ces crimes.

Saluons cette mise au point argumentée et courageuse au sein du débat politiquement et militairement correct qui anime la question rwandaise 20 ans après ces dramatiques évènements. Le seul fait que la position de la France dans ce conflit interethnique pose question et soit l’occasion de nombreuses publications devrait alerter notre conscience.

L’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire disait un ancien président de la république…il n’y entrera d’autant moins tant que la mort d’un million de Tutsis pèsera moins lourd que les cris d’orfraies de quelques politiques et militaires désireux avant tout de défendre leur ego.

« Il n'est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage.  » (Périclès)

 

 

14 avril 2014

Français de souche

 

                                 Je pourrais me revendiquer « Français de souche », vocable qui fait débat actuellement, 145revendiqué par les uns, conspué par les autres sous prétexte d’être sectaire. Oui, pourquoi ne serai-je pas français de souche ?

Je ne suis pas issu d’une famille qui a immigré en France. Je n’ai pas été naturalisé. Je suis devenu français le jour de ma naissance par le sang de mon père et de ma mère, eux-mêmes français de leurs parents parce que nés sur un arpent de terre française du bout du monde.

Je suis né dans un ex-comptoir français, Pondichéry, petit village côtier du Sud de l’Inde qui entre dans l'histoire de France lorsque la Compagnie des Indes se le voit céder, en 1673, soit bien avant que la Savoie et le comté de Nice (traité de Turin - 1860) ne le soient à la France. Je porte un nom on ne peut plus français, hérité d’une longue lignée d’hommes et de femmes qui ont servi la France depuis des siècles, au moins depuis la révolution française pour le plus loin que j’ai pu remonter. Mes aïeuls ont tous combattus dans l’armée française ou à ses côtés. Francois-Bernard, mon arrière-arrière grand-père, officier du corps des cipayes (unité constituée de soldats indiens rattachée à l’armée française), fut le premier soldat indigène du territoire de Pondichéry à être décoré de la Légion d’honneur.

La fierté pour ce passé familial ainsi que mon engagement sincère pour mon pays, enraciné par les discours de mon père, fervent gaulliste, se sont concrétisés par mon entrée à Saint-Cyr il y a quelques années. Fier d’être français par ma lignée, je l’étais cette fois définitivement par mon entrée dans la cour des « grands ». Une accession à l’upper class par la grande porte, oui, mais sans le dictionnaire des codes et les clés de certains coffres…

Il m’a fallu du temps pour comprendre même si mon inconscient me chuchotait que je ne ferai jamais partie de cette caste, tout simplement parce que je n’étais pas blanc. Je me suis toujours persuadé être comme mes camarades de promotion, mes collègues de chambrée quand j’étais à Saint-Cyr. J’avais acquis le droit d’être là par mes origines et mon travail. J’embrassais la carrière militaire comme un héritage familial, comme une entreprise que m’avait léguée mon père et mes aïeux avant lui. Un « fils de », en quelque sorte, qui me rassurait.  

Et pourtant, à l’aube d’une belle carrière d’officier les obstacles se présentaient devant moi comme si mon destin s’était trompé de chemin. J’avais le sentiment d'avoir échappé aux mailles du système de sélection de cette prestigieuse école d’officiers et que l’institution militaire essayait de rattraper son « erreur ».

A 22 ans j’intégrais une promotion, uniforme, d’officiers français, amputée in-extremis de son seul élément féminin, vraisemblablement par la volonté de son commandant, futur chef d’état-major des armées et actuellement grand chancelier de la Légion d’honneur, mais pas de son unique représentant des minorités visibles et ce, malgré les tentatives désespérées de l’encadrement de me faire démissionner.

C’était sans compter sur mon acharnement à réussir, à prouver que je n’étais pas là par mégarde.

Par la suite et pendant toute ma carrière d’officier, l’uniformité ajoutée au sentiment d’appartenir à une catégorie militaire et sociale qui me plaçait plutôt en haut de l’échelle avaient fini par me convaincre que j’étais intégré. J’ai profité de cet acquis comme d’une rente, persuadé qu’elle ne pourrait plus m’être contestée.

Mon origine saint-cyrienne a gommé, au moins en apparence, les préjugés accolés à ma couleur de peau et à mes origines. Mon appartenance à une caste, celle des officiers issus des grandes écoles, retentissait comme un pied de nez au destin tout tracé des personnes de mon origine « ethnique », les fonctions supplétives. Je violais d’un coup les frontières scolaires, sociales et culturelles instaurées par les élites. Je poussais des coudes pour y prendre ma place malgré les embuches...

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