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Regards sur mes racines.
14 avril 2014

Français de souche

 

                                 Je pourrais me revendiquer « Français de souche », vocable qui fait débat actuellement, 145revendiqué par les uns, conspué par les autres sous prétexte d’être sectaire. Oui, pourquoi ne serai-je pas français de souche ?

Je ne suis pas issu d’une famille qui a immigré en France. Je n’ai pas été naturalisé. Je suis devenu français le jour de ma naissance par le sang de mon père et de ma mère, eux-mêmes français de leurs parents parce que nés sur un arpent de terre française du bout du monde.

Je suis né dans un ex-comptoir français, Pondichéry, petit village côtier du Sud de l’Inde qui entre dans l'histoire de France lorsque la Compagnie des Indes se le voit céder, en 1673, soit bien avant que la Savoie et le comté de Nice (traité de Turin - 1860) ne le soient à la France. Je porte un nom on ne peut plus français, hérité d’une longue lignée d’hommes et de femmes qui ont servi la France depuis des siècles, au moins depuis la révolution française pour le plus loin que j’ai pu remonter. Mes aïeuls ont tous combattus dans l’armée française ou à ses côtés. Francois-Bernard, mon arrière-arrière grand-père, officier du corps des cipayes (unité constituée de soldats indiens rattachée à l’armée française), fut le premier soldat indigène du territoire de Pondichéry à être décoré de la Légion d’honneur.

La fierté pour ce passé familial ainsi que mon engagement sincère pour mon pays, enraciné par les discours de mon père, fervent gaulliste, se sont concrétisés par mon entrée à Saint-Cyr il y a quelques années. Fier d’être français par ma lignée, je l’étais cette fois définitivement par mon entrée dans la cour des « grands ». Une accession à l’upper class par la grande porte, oui, mais sans le dictionnaire des codes et les clés de certains coffres…

Il m’a fallu du temps pour comprendre même si mon inconscient me chuchotait que je ne ferai jamais partie de cette caste, tout simplement parce que je n’étais pas blanc. Je me suis toujours persuadé être comme mes camarades de promotion, mes collègues de chambrée quand j’étais à Saint-Cyr. J’avais acquis le droit d’être là par mes origines et mon travail. J’embrassais la carrière militaire comme un héritage familial, comme une entreprise que m’avait léguée mon père et mes aïeux avant lui. Un « fils de », en quelque sorte, qui me rassurait.  

Et pourtant, à l’aube d’une belle carrière d’officier les obstacles se présentaient devant moi comme si mon destin s’était trompé de chemin. J’avais le sentiment d'avoir échappé aux mailles du système de sélection de cette prestigieuse école d’officiers et que l’institution militaire essayait de rattraper son « erreur ».

A 22 ans j’intégrais une promotion, uniforme, d’officiers français, amputée in-extremis de son seul élément féminin, vraisemblablement par la volonté de son commandant, futur chef d’état-major des armées et actuellement grand chancelier de la Légion d’honneur, mais pas de son unique représentant des minorités visibles et ce, malgré les tentatives désespérées de l’encadrement de me faire démissionner.

C’était sans compter sur mon acharnement à réussir, à prouver que je n’étais pas là par mégarde.

Par la suite et pendant toute ma carrière d’officier, l’uniformité ajoutée au sentiment d’appartenir à une catégorie militaire et sociale qui me plaçait plutôt en haut de l’échelle avaient fini par me convaincre que j’étais intégré. J’ai profité de cet acquis comme d’une rente, persuadé qu’elle ne pourrait plus m’être contestée.

Mon origine saint-cyrienne a gommé, au moins en apparence, les préjugés accolés à ma couleur de peau et à mes origines. Mon appartenance à une caste, celle des officiers issus des grandes écoles, retentissait comme un pied de nez au destin tout tracé des personnes de mon origine « ethnique », les fonctions supplétives. Je violais d’un coup les frontières scolaires, sociales et culturelles instaurées par les élites. Je poussais des coudes pour y prendre ma place malgré les embuches...

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Regards sur mes racines.
  • Au travers de quelques réflexions sur mon parcours et mes origines, mes doutes et mes espoirs quant à ma réelle intégration au monde qui m'entoure où la peur de la différence et le repli identitaire servent de réponse unique à la crise actuelle.
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