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Regards sur mes racines.
22 avril 2014

Inquiétude

Intolerance-groupe

Vous devez peut être vous demander comment et pourquoi un citoyen, français par le droit du sol et le sang versé par ses aïeuls, baigné par les valeurs de la république, reconnu comme tel par la majorité des membres de son entourage, assoiffé de justice sociale et fier de son engagement sans faille pour son pays peut-il de nos jours douter de son appartenance à la communauté nationale ?

Je me croyais en effet fondu dans la masse de mes compatriotes, invisible en quelque sorte.

Je me découvre désormais visible au milieu d’un groupe qui me renvoie à mes différences.

J’ai conscience que mon parcours atypique n’est pas étranger à ce réveil. Officier dans l’armée de terre pendant vingt-sept ans, mon uniforme m’a quelque peu protégé du monde extérieur. Ayant fait tomber le masque, j’ai découvert il y a quelques mois ma « visibilité » à l’occasion d’un bref passage dans une autre grande et honorable institution publique, la SNCF, temple du repli sur soi, d’autant que le processus d’intégration dans cette belle entreprise s’est déroulé dans une des villes les plus attractives, cosmopolites et ouvertes au monde après New-York et Ibiza, ….Clermont-Ferrand !  J’y reviendrai longuement dans ce blog car la SNCF vue d’Auvergne est un peu la caricature de ce qu’est devenue aujourd’hui la France du repli et de l’intolérance.

Avoir un doute sur l’appartenance au groupe ne signifie aucunement, en ce qui me concerne, mettre un terme à cette association. Bien au contraire, je revendique et clame haut et fort mon appartenance à la France. Je le revendique d’autant plus que cette appartenance ne se décrète pas sur la foi d’une pièce d’identité. Elle est le fruit d’un combat de tous les jours. Combien de fois ai-je du apporter la preuve de ma « nationalité » (non pas administrative bien entendu !)  lors de discussions avec des collègues, amis ou lors de rencontres officielles. Mon engagement pour mon pays se lisait sur mon uniforme d’officier quand je le portais. Il inspirait le respect pour ce que je représentais mais pas pour ce que j’étais. Quand j’étais « à poil » et si mes interlocuteurs ne me connaissaient pas, il me fallait brandir le drapeau français du fond de ma tranchée pour qu’on consente à me considérer comme fréquentable. Voilà comment je ressentais les choses en définitive.

Prouver de façon permanente son appartenance à la communauté nationale n’est pas une épreuve que je traverse seul….il est le lot de tous les français et françaises issus de l’immigration. Imaginez ce que peut être cette lutte perpétuelle de la justification quand vous vous sentez profondément français, de surcroit pas du tout immigré (je ne cherche pas à me désolidariser d’eux), que vous n’avez « rien à vous reprocher», que vous ne vous différenciez que par le fait d’être noir. Cet exercice est aussi une épreuve et une douleur permanente. Une douleur, effectivement, à laquelle je me suis habitué et que j’ai transformée en adrénaline positive. J’en ai fait un jeu de rôles. Je joue sur l’image que je peux renvoyer naturellement à mes interlocuteurs pour ensuite les confondre et les mettre mal à l’aise. Ça marche à tous les coups ou presque.

Sur ce que je fais dans la vie, la plupart imagine que j’occupe des fonctions d’exécution. Je les renvoie à mes diplômes et à mon grade dans l’armée. En général, je n’ai aucun commentaire hormis quelques plaisanteries qui se veulent de haut vol où l’on me donne du « colonel », façon de marquer une forme de rancœur contenue ou de jalousie mal placée.

intolerance

Pourquoi ai-je envie de parler maintenant ? Pourquoi ce doute s’immisce-t-il avec tant de force actuellement ? Pourquoi ai-je tant envie de l’exprimer et de le partager alors que tant de signaux accumulés au fil des années ont envahi ma conscience sans que j’éprouve le besoin de les dévoiler ? Exprimer mes doutes c’est participer au débat sur cette intégration inégale (Serge Paugam) que j’appellerai en ce qui me concerne désintégration, littéralement « passer d’un état ou sentiment de dissolution totale dans la société qui vous accueille à celui d’identité individuelle visible ». Exprimer ses doutes c’est essayer de comprendre (voir mon message du 8 avril).

Cette démarche s’impose d’abord à moi comme à d’autres sous la pression inconsciente de notre environnement mais aussi comme un réflexe individuel défensif vis-à-vis d’un collectif en cours de mutation. Ainsi, malgré la certitude de mon appartenance innée à la France, héritée de mon histoire et de la capacité de mon pays à faire sien ce que je suis, nous vivons actuellement des moments porteurs de changements inquiétants.

Le cap de la cinquantaine que je viens de franchir est aussi un moment propice dans la vie d’un homme pour se retrouver avec lui-même et analyser les quelques étapes qu’il vient de vivre. Il y a surement de cela dans cette envie de m’exprimer aujourd’hui, mais pas seulement.

La période que nous traversons fait aussi partie des éléments déclencheurs de cette soif d’expression. Notamment, un événement récent m’a particulièrement marqué. C’est celui où une jeune enfant, bercée par les discours xénophobes d’adultes, s’en prend à un ministre de la république pour sa couleur de peau. Qu’une enfant en bas âge, sans conscience politique, a priori de « bonne famille », si ce terme signifie encore quelque chose aujourd’hui, soit imprégnée d’autant de haine et d’irrespect envers un autre être humain quelle que soit sa fonction, montre l’état de notre société et le chemin qu’une partie des français est en train de prendre.

Cette évolution n’a pas le caractère de fatalité, elle n’est pas inéluctable pour peu qu’on en prenne conscience et qu’on la combatte en commençant par les mots. Ne pas subir ! Tel serait le mot d’ordre de la croisade contre l’intolérance.

« Ton christ est juif, ta pizza est italienne, ton café est brésilien, ta voiture est japonaise, ton écriture est latine, tes vacances sont turques, tes chiffres sont arabes et... tu reproches à ton voisin d'être étranger ! » (Julos Beaucarne)

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Commentaires
T
Les clichés ont souvent la dent dure! Je me souviens aussi du temps où, noir à la SNCF et à un poste dirigeant, l'on te prenait pour un "vigile". Ce combat de la ségrégation est également celui que mène les femmes depuis longtemps. Celles payées 25% de moins que les hommes aux mêmes postes, celles à qui on demande d'apporter un café "tu seras gentille" parce que si elle assiste à la réunion c'est sans doute qu'elle est une "petite" assistante et que chacun est loin d'imaginer qu'elle puisse s'assoir au poste de responsable, celle qui doit bosser deux fois plus pour faire oublier qu'elle est aussi mère et que cela ne la rend pas moins fiable, celles qui entendent les propos graveleux chuchotés dans le dos. Certains combats se ressemblent....oui les clichés ont la dent dure....et parfois, la rancune tenace!
Regards sur mes racines.
  • Au travers de quelques réflexions sur mon parcours et mes origines, mes doutes et mes espoirs quant à ma réelle intégration au monde qui m'entoure où la peur de la différence et le repli identitaire servent de réponse unique à la crise actuelle.
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